Hubert Reeves

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Le cycle du gaz carbonique (suite)

Le cycle du gaz carbonique

Émission du 20 mars 2004

Rappelons d'abord que le gaz carbonique est constitué de molécules contenant un atome de carbone et deux atomes d'oxygène. Vous l'avez sous les yeux quand vous regardez les bulles dans votre verre de champagne.

Notre atmosphère terrestre en contient une faible quantité. Moins d'un demi pour cent. Le reste de l'atmosphère est principalement constitué surtout d'azote et d'oxygène. Mais cette faible fraction joue plusieurs rôles importants dans notre biosphère. Les plantes associent le gaz carbonique à l'eau pour produire la photosynthèse, le processus le plus important de tous les cycles vitaux.

Cette concentration de gaz carbonique dans l'atmosphère est contrôlée par un ensemble de réactions qui la maintient en équilibre. Les éruptions volcaniques et l'érosion des pierres calcaires sont les principales sources naturelles du dégagement de gaz carbonique dans l'atmosphère. Il en est soustrait par l'activité respiratoire des êtres vivants : planctons marins et plantes continentales. Après leur mort, les corps des microorganismes marins tombent au fond de l'océan où ils s'accumulent pendant des millions d'années, se compactent sous la pression, et forment des strates de pierre carbonatée.

Entraînées par les mouvements de convection de notre planète, ces pierres s'enfoncent ensuite graduellement dans le manteau terrestre pour en ressortir plus tard par les cheminées des volcans ou grâce à d'autres phénomènes géologiques. Ainsi le cycle est bouclé et la concentration de gaz carbonique est maintenue à peu près constante.

Avec l'arrivée de l'industrie humaine, un nouveau facteur est entré en jeu qui a profondément modifié cet équilibre. Donnons des chiffres qui illustreront la situation. Les rejets de gaz carbonique correspondent aujourd'hui à neuf milliards de tonnes de carbone par an, soit deux fois plus que la végétation et l'océan ne sont en mesure d'absorber. Résultat : le gaz carbonique s'accumule, sa concentration a augmenté de plus de 20 % par rapport à la période préindustrielle et elle pourrait doubler d'ici à la fin du 21ème siècle. Résultat : l'effet de serre. Le gaz carbonique retient une partie de la chaleur solaire et la planète se réchauffe.

Nous touchons ici du doigt une caractéristique importante de l'activité humaine ; sa très grande, sa trop grande rapidité par rapport aux temps caractéristiques des phénomènes naturels. L'océan pourrait s'adapter et retrouver l'équilibre antérieur, mais il lui faudrait pour cela des centaines, sinon des milliers d'années.

Quelles solutions se présentent à nous ?

D'abord réduire les émissions de gaz carbonique dans l'atmosphère. À la conférence de Kyoto en 1997, un projet a été présenté à cet effet. Il s'agissait d'obtenir un accord entre les nations pour réduire d'environ 6 % les émissions de gaz carbonique avant 2012. Jusqu'ici, les États-Unis, principaux pollueurs (prés de 25 %), s'y refusent. L'accord pourrait être ratifié sans eux si une majorité se faisait jour. Aujourd'hui l'affaire traîne en longueur.

Pourtant, les accords de Kyoto ne seraient qu'un tout petit premier pas vers la solution du problème. Pour freiner efficacement le réchauffement, il faudrait réduire ces émissions de 60 %. C'est-à-dire revenir à la situation telle qu'elle se présentait avant la guerre de 39-45, période pendant laquelle les émissions industrielles n'étaient pas encore problématiques.

D'autres solutions existent : séquestration du gaz carbonique, utilisation d'énergies qui n'en émettent pas. Nous les évoquerons dans les prochaines causeries.