Hubert Reeves

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Image de l'univers

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Émission du 26 février 2005

Nous poursuivons notre tourisme cosmique avec l'image de l'univers obtenu par le téléscope Hubble, image qui montre un espace parsemé d'une foultitude de galaxies. Certaines d'entre elles sont relativement proches de nous (quelques millions d'années-lumière), d'autres beaucoup plus lointaines (quelques milliards d'années-lumière). Rappelons qu'une année-lumière correspond à dix mille milliards de kilomètres.

La lumière, à notre échelle de dimension, voyage très vite. Elle va de la Terre à la Lune en une seconde, et au Soleil en huit minutes. Pourtant, par rapport aux immenses dimensions de l'espace, cette vitesse peut être considérée comme lente. Et pour l'astronome cette lenteur est une bénédiction : elle lui permet de voir le passé … En peu de mots : plus on regarde loin plus on voit tôt !

La lumière des galaxies les plus lointaines, sur l'image de Hubble, a mis dix milliards d'années à nous parvenir. Les images que cette lumière imprime sur nos écrans représente leurs états il y a dix milliards d'années ! Nous les voyons telles qu'elle étaient dans ce lointain passé. Nous n'avons aucun moyen de savoir comment elles sont aujourd'hui, sinon d'attendre encore dix milliards d'années ! Pour la plupart de ces galaxies, nous savons indirectement qu'elles n'existent plus telles quelles depuis longtemps. Entrées en collisions avec d'autre galaxies, elles ont fusionné pour former des galaxies plus massives.

Ainsi, en observant l'image de l'univers, nous voyons non pas un instantané de son aspect, mais un déroulement temporel du passé. Les galaxies les plus rapprochées, qui présentent généralement des surfaces plus importantes, illustrent pour nous le passé plus récent, tandis que les plus lointaines nous donnent accès au passé le plus lointain, à des périodes relativement proches du début de l'univers, donc du Big Bang, qu'on date maintenant à 13,7 milliards d'années dans le passé. Entre ces deux extrêmes, d'autres galaxies nous révèlent toutes les périodes intermédiaires. Si on veut observer la période correspondant à la naissance de notre planète il y a 4,6 milliards d'année, il suffit, vous l'aurez compris, de choisir d'observer une galaxie située à 4,6 milliards d'années-lumière.

Ici, apparaît pour l'observateur un problème technique important : la difficulté d'observer des objets astronomiques situés à de telles distances.

Leur luminosité est forcément très faible, et leurs images très petites. D'où la nécessité de construire des télescopes de très grande taille, qui peuvent recevoir davantage de lumière, et nous permettre d'observer les images ayant la plus grande résolution possible. Nos plus grands télescopes en opération avoisinent les dix mètres de diamètre d'ouverture, tandis que des projets en cours iront jusqu'à des dizaines de mètres. En parallèle, des réseaux de radio-télescopes s'étendent sur une dizaine de milliers de kilomètres.

La « relativement » faible vitesse de la lumière, à l'échelle astronomique, donne aux astronomes une véritable machine à remonter le temps (le rêve inaccessible de tous les historiens). Ils entendent bien l'exploiter au maximum, et, pour cette raison, construisent avec enthousiasme des instruments de plus en plus puissants. C'est tout le passé de l'univers que nous avons, avec eux, hâte de découvrir …