Hubert Reeves

Site officiel

Chronique
précédente :

Image de l'univers (suite)

Chroniques radio France-Culture

Tous les samedis à 18h40
(rediffusion le mercredi suivant à 13h50)

Chronique
suivante :

Une explosion ?

Un univers en mouvement

Émission du 5 mars 2005

Nous continuons l'observation de l'image obtenue par le télescope Hubble. Elle nous présente l'univers dans ses plus grandes dimensions. Les images des galaxies nous proviennent de différentes dates de l'histoire du cosmos, et nous montrent chacune l'état du monde à la période correspondante.

Vers 1920-1930, l'astronome Edwin Hubble (celui qui a donné son nom au télescope spatial) a fait une découverte stupéfiante, dont les conséquences allaient profondément modifier notre vision du monde et de son histoire : les galaxies aperçues dans cette image ne sont pas immobiles ; elles ne sont pas figées à une place fixe dans l'espace. Elles se déplacent. Et leur mouvement n'est pas un mouvement désordonné (comme celui des molécules dans un gaz), mais, au contraire, un mouvement extrêmement ordonné. En peu de mots, elles s'éloignent toutes les unes des autres. Et d'une façon très particulière : plus deux galaxies sont loin l'une de l'autre, plus elles s'éloignent rapidement. Nous observons que ce comportement est partout le même jusqu'aux confins de l'univers observable. Cet incessant éloignement général se résume par cette expression : l'univers est en expansion.

Considérons maintenant un trio de galaxies dans l'espace, et traçons un triangle dont elles sont les pointes. L'expansion implique que, dans l'avenir, les galaxies s'éloignant, le triangle s'agrandira, mais sa forme restera inchangée.

Cette découverte a mis à mal une affirmation énoncée par Aristote, il y a 2500 ans — et implicitement acceptée par la communauté des astronomes depuis cette période —, selon laquelle l'univers serait toujours le même, dans le passé comme dans l'avenir. Ce mouvement d'expansion des galaxies montre, au contraire, que l'univers est en changement profond. En effet, si les galaxies s'éloignent les unes des autres, la densité de la matière cosmique (le nombre de galaxies dans un volume déterminé) diminue progressivement. En conséquence, on peut dire que l'univers se raréfie.

Ajoutons, à la décharge d'Aristote, que son affirmation du caractère inchangeant de l'univers était fondée sur des siècles d'observations par les astronomes de l'époque (Sumériens, Chaldéens, Babyloniens, les fameux Rois Mages) : notant la course saisonnière des constellations dans le ciel, ils avaient remarqué le retour annuel parfaitement régulier des astres, et en avaient déduit à la pérennité du cosmos. Évidemment, leurs observations étaient forcément limitées : ils n'avaient pas de télescopes. Tout se faisait à l'œil nu.

Les conséquences de la découverte de Hubble sont prodigieuses. Imaginons maintenant de jouer à l'envers le film de l'expansion du cosmos : nous verrons sur l'écran les galaxies se rapprocher les unes des autres. De là est née l'idée d'un début de l'univers, d'un moment où la matière était concentrée à une densité extrême. Mesurant la distance des galaxies, et la vitesse avec laquelle elles s'éloignent, on peut alors calculer le temps qu'elles ont mis pour atteindre leurs distances présentes. On obtient ainsi une estimation approximative de l'âge de l'univers : environ quatorze milliards d'années. Et ainsi une nouvelle conclusion majeure : l'univers n'a pas toujours existé ; il a un âge. Des technique plus précises permettent aujourd'hui d'évaluer l'âge de l'univers à 13,7 millards d'années, avec une incertitude de deux cent millions d'années.