Hubert Reeves

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Un univers en mouvement

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Une explosion ?

Émission du 12 mars 2005

Commentant la découverte par Hubble, vers 1930, du mouvement des galaxies conduisant à leur éloignement progressif, nous avons utilisé les notions d'expansion et de raréfaction progressive de l'univers.

Puis, inversant en imagination le cours des événements, donc en remontant le temps, amenant la matière à se contracter jusqu'à une densité extrêmement élevée, l'idée d'un « début de l'univers » s'est imposée. Nous avons pu obtenir une évaluation de son âge : 13,7 milliards d'années.

Il est tentant de comparer ce phénomène à celui d'une sorte d'explosion initiale universelle. Les mots de Big Bang utilisés pour décrire cet état collent bien à cette interprétation imagée.

Mais c'est une comparaison bancale. Elle donne l'impression qu'il y aurait comme un espace qui contiendrait, au début, toute la concentration de la matière avant l'explosion engendrant le cosmos (une sorte de centre de l'univers). Espace qui serait entouré d'un autre espace, vide celui-là, dans lequel ces matières se propageraient par la suite, sous l'impulsion de l'explosion initiale.

Le problème c'est que notre univers n'a pas de centre et n'est pas entouré d'un espace vide. Sa particularité la plus évidente, dans la région qu'on peut en observer, c'est qu'il est (à peu près …) partout pareil. Il s'en dégage une impression de grande homogénéité. En peu de mots, il n'est pas constitué de deux espaces : l'un plein de matière et l'autre vide. Il n'y a qu'un seul espace où toute la matière est en expansion.

On peut conserver la comparaison de l'explosion si on suppose qu'au moment du Big Bang, chaque point de l'espace entre en explosion. Notons que si l'espace est infini aujourd'hui (ce qui semble être le cas), il a toujours été infini. On ne peut pas passer d'un état fini à un état infini. Il n'est pas facile de nous représenter un univers infini et en expansion partout. Pourtant, c'est la meilleure image que nous puissions nous en faire.

Il est normal que notre imagination, qui a évolué dans le cadre de nos dimensions familières, soit un peu dépassée et que nous soyons perdus quand nous abordons des dimensions aussi gigantesques. Mais, comme vous diront tous les cosmologues : on finit par s'y faire.

Ajoutons maintenant une composante essentielle à notre exploration du cosmos : la théorie de la Relativité Générale d'Albert Einstein, publiée en 1916. Cette théorie nous permet de comprendre le comportement de la matière soumise à un champ de gravité. En combinant cette théorie aux observations de la récession des galaxies, on arrive à une conclusion d'une importance capitale : L'univers en expansion se refroidit progressivement (comme un gaz que l'on détend). Ce qui implique que, dans le passé, il était beaucoup plus chaud ! Nous retrouvons à nouveau l'analogie avec l'explosion. L'image d'un début où régnaient des conditions physiques extrêmes de température et de densité. De là est née la théorie de l'atome primitif (de Georges Lemaître, vers 1930), sorte d'ancêtre de notre théorie du Big Bang.