Hubert Reeves

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Le rayonnement fossile

Émission du 19 mars 2005

Les observations du mouvement de récession des galaxies, interprétées dans le cadre de la théorie de la relativité d'Einstein, nous permettent d'accéder au passé lointain de l'univers. Elles nous apprennent que l'univers des premiers temps était extrêmement dense et extrêmement chaud.

Par ailleurs, la physique nous dit que plus les corps sont chauds, plus ils émettent de la lumière. D'où l'imagerie populaire d'un gigantesque flash de lumière auquel on a associé le nom de Big Bang.

À cause peut-être de son aspect mythologique et ses allures un peu bibliques (le « fiat lux » de la Bible), cette théorie n'a pas été bien accueillie par les astronomes, et encore moins par les physiciens de la première moitié du 20ème siècle. Il faut aussi reconnaître qu'elle reposait sur une base observationnelle relativement limitée : les mesures des distances et des vitesses des galaxies. D'autres interprétations de ces observations restaient possibles.

Nous devons à l'astrophysicien russe Georges Gamow une contribution originale qui devait crédibiliser la théorie. Partant de l'idée que, selon la physique, un immense rayonnement lumineux devait avoir accompagné les premiers instants, il s'est demandé, vers 1948, si cette lumière avait complètement disparu aujourd'hui ou si, au contraire, il n'en resterait pas quelque trace détectable. Des calculs l'amenèrent à la conclusion qu'il devait encore subsister à notre époque un faible rayonnement, une sorte de fossile cosmique, comme un pâle écho de cette luminescence des débuts de l'univers, et que ce rayonnement pourrait être détecté par des radio-télescopes.

En fait, en 1966, ce rayonnement a été observé précisément tel que décrit par Gamov. Depuis cette période, il est devenu un sujet d'étude astronomique de la plus haute importance. Il contient une quantité d'informations capitales sur le passé et l'évolution du cosmos. Il confirme magnifiquement la théorie du Big Bang, et s'y intègre parfaitement. Cette observation a suffi à convaincre la quasi-totalité de la communauté scientifique de la haute crédibilité de ce scénario des débuts du cosmos.

Plusieurs autres observations, dans des domaines totalement différents (physique nucléaire et atomique) sont venus par la suite confirmer la crédibilité du Big Bang, et en font aujourd'hui, et de loin, le meilleur scénario du passé de l'univers.

Ajoutons pourtant que cette théorie n'est pas sans problème. Elle rencontre plusieurs difficultés théoriques, elle laisse quantités de questions sans réponse. La science est un processus en développement, et la théorie du Big Bang, comme toutes les théories de la physique, n'est pas définitive. La science n'est pas un domaine de certitude et de vérité, mais plutôt de plausibilité.

Rappelons pour terminer que, dans ses grandes lignes, la théorie affirme que l'univers n'a pas toujours existé, qu'il a un âge, qu'il est en évolution, que depuis ses premiers temps il se refroidit, se raréfie et s'obscurcit.

Il y a de bonnes raisons de penser que ces affirmations générales continueront à tenir la route, même si des avancées devaient modifier de façon importante le cadre conceptuel dans lequel la théorie s'inscrit aujourd'hui.

Affaire à suivre.