Hubert Reeves

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Le rayonnement fossile (suite)

Émission du 9 avril 2005

Nous revenons une fois encore à l'image du rayonnement fossile, qui nous montre l'aspect de l'univers quand il avait 400 000 ans, et qu'il était porté à une température de 3 000 degrés.

Cette image, obtenue une première fois en 1965, a été depuis ce temps maintes fois reprise. La toute dernière date de 2003. Grâce à un satellite nommé WMAP, elle nous révèle l'aspect du cosmos avec une résolution inégalée. Sur une surface équivalente à celle de la Terre, prise de l'espace, on distinguerait sans difficulté, sur le globe, les grandes îles de la Méditerranée telles que la Corse, la Sardaigne et la Sicile.

Un premier aspect remarquable de l'univers, à cette époque, c'est l'homogénéité de la température. La température est la même partout, avec des variations qui ne dépassent pas un cent-millième sa valeur moyenne. Sur l'image, que nous avons obtenue grâce au satellite, ces fluctuations — artificiellement et fortement amplifiées — se présentent comme un fourmillement de points colorés, évoquant le pointillisme en matière picturale. En termes techniques, la matière, à cette époque, est extrêmement isotherme, contrairement à l'univers d'aujourd'hui qui montre de très grandes variations de température, par exemple entre les étoiles, portées à des millions, voire des milliards de degrés, et l'espace intersidéral dont la température moyenne est de moins 270 degrés Celsius.

La densité de la matière, à cette époque, est d'environ cinq milliards d'atomes par mètre cube. Pour comparaison, à cause de l'expansion, elle n'est plus aujourd'hui, en moyenne, que de cinq atomes par mètre cube, soit une raréfaction d'un milliard de fois …

Comme pour la température, les fluctuations de densité autour de la valeur moyenne sont également de l'ordre de un cent-millième.

Ce fourmillement de points nous révèle les lieux de naissance des amas de galaxies à venir. Les régions où la matière est plus dense que la moyenne (appelées communément des « sur-densités ») sont, en quelque sorte, des germes autour desquels la matière environnante, attirée par la force de gravitation, va venir s'agglutiner, augmentant ainsi sa masse propre. Ainsi, par un effet « boule de neige », très lent au début, puis s'accélérant progressivement jusqu'à devenir une véritable avalanche, des régions de hautes densités vont se former dans un espace environnant qui se vide progressivement. S'affaissant ensuite sous leur propre poids, ces matières denses se fragmenteront pour donner naissance aux premières galaxies et aux premières étoiles. Se contractant encore davantage, ces étoiles se réchaufferont au point de pouvoir émettre de la lumière et, plus tard, devenir semblables aux étoiles de nos cieux actuels. On estime que les premières étoiles ont commencé à briller environ deux cent millions d'années après le Big Bang.

Il est émouvant de penser que l'image du rayonnement fossile nous montre en direct les germes de tout ce qui compose l'univers d'aujourd'hui : les galaxies, les planètes, les étoiles, y sont virtuellement présentes …