Hubert Reeves

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Émission du 4 juin 2005

L'étude du rayonnement fossile, émis quand l'univers avait environ 400 000 ans, nous a donné une information précieuse sur la géométrie de notre univers : l'espace cosmique n'a pas de courbure. On dit qu'il est « plat ». Rappelons que la Théorie de la Relativité ne préjugeait pas de l'existence ou non d'une courbure. Mais les observations ont parlé : il n'en a pas … En analogie avec l'espace à deux dimensions, on pourrait dire qu'il a plutôt la forme d'une feuille de papier (plane). En analogie seulement, car l'espace cosmique est à trois dimensions, et la feuille de papier est à deux dimensions.

La Théorie de la Relativité nous dit que la géométrie de l'espace dépend de la densité de matière et d'énergie qu'il renferme. Et c'est ici que l'énergie sombre va jouer un rôle. Les observations précédemment décrites nous ont montré l'existence, également, d'une composante importante que nous avons appelé la « matière sombre », et qui se manifeste par le fait qu'elle :

Mais, aussi importante qu'elle soit, cette « masse sombre » n'est pas assez dense pour rendre compte de la « planitude » du cosmos. Elle ne représente qu'environ vingt-cinq pour cent de la densité requise, tandis que la matière ordinaire (faite d'atomes, comme vous et moi) n'en représente que cinq pour cent. Le bilan est insuffisant ; il faut encore ajouter 70 % pour avoir le compte de la planitude, soit précisément la densité d'énergie sombre requise pour rendre compte de l'accélération des galaxies !

Résumons nous : le rayonnement fossile nous apprend que l'univers n'a pas de courbure. Cette propriété remarquable implique que l'espace renferme une certaine densité de matière-énergie. La somme de ce que nous calculons à partir des observations astronomiques sur les étoiles et les galaxies montre un déficit important par rapport aux exigences de la géométrie (pour avoir une géométrie plane). Par ailleurs, l'observation de la distance des galaxies les plus lointaines montre qu'elles s'éloignent plus rapidement que prévu, ce qui nous a amené à conclure à l'accélération de leurs mouvements. Nous avons attribué cette accélération à l'existence d'une composante cosmique qui exerce une force répulsive sur les galaxies, et que nous avons appelée « énergie sombre ». Or le calcul de la densité de cette énergie sombre donne la valeur de 70 % de la matière-énergie requise pour avoir une géométrie plane ! Une simple addition, alors, montre donc que la somme de la matière ordinaire (5 %), de la matière sombre (25 %) et de l'énergie sombre (70 %) suffit à rendre compte de la géométrie du cosmos !

D'une part, l'accélération des galaxies, d'autre part, la géométrie du cosmos, nous amènent, indépendamment l'une de l'autre, à la même conclusion : l'existence dans notre univers d'une composante d'énergie sombre qui représente 70 % de la densité cosmique. Voilà deux mesures différentes qui nous amènent au même résultat.

Une troisième observation nous est venue récemment de l'observation du rayonnement X émis par les amas de galaxies. Sans entrer dans les détails, l'analyse des résultats confirme bien la présence et la densité de l'énergie sombre. Cette nouvelle composante, découverte il y a à peine dix ans, fait maintenant partie du folklore des astrophysiciens …