Hubert Reeves

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Émission du 1er octobre 2005

La vitesse de la lumière est la même pour tous les observateurs, quelle que soit leur vitesse propre par rapport à une étoile qui émet cette lumière. C'est en acceptant ce résultat comme une donnée fondamentale de la nature qu'Einstein a construit la théorie de la relativité restreinte en 1905. Nous en commémorons le centenaire cette année.

Pour parvenir à cette théorie, il a remis en question les notions de temps et d'espace que la communauté scientifique admettait comme évidente depuis trois cents ans, en fait depuis Galilée.

Quelles étaient ces notions ? D'abord, que le temps est le même pour tout le monde. Plus exactement, que le taux de passage du temps, le rythme d'arrivée du futur dans le présent, est le même quelles que soient les conditions physiques dans lesquelles se trouve l'observateur (le chronométreur) au moment où il effectue ses mesures. Une sorte d'absolu, identique pour tous.

L'espace bénéficiait d'un statut analogue : un autre absolu. En pratique, tous les géomètres, avec les mêmes instruments de précision devaient forcément, dans un même cas, mesurer les mêmes longueurs.

Le temps et l'espace étaient alors considérés comme deux entités bien distinctes, sans aucune influence l'une sur l'autre. Considérons, pour illustrer la situation, le contexte d'une pièce de théâtre :

Pendant la pièce, des acteurs se déplacent sur scène, et disent leur texte à un moment exactement prévu dans leur scénario.

L'univers d'avant Einstein est comme un grand théâtre dans lequel des événements se passent à des moments précis. Comme au théâtre, le temps et l'espace sont des entités indépendantes.

Einstein découvre qu'on ne peut pas comprendre la constance de la vitesse de la lumière si on maintient ce point de vue. Il faut abandonner quelque chose. Il montre que si on admet que ces entités de temps et d'espace sont intimement et inextricablement reliées, alors tout devient clair. Mais il faudra admettre que le temps ne passe pas à la même vitesse pour tout le monde. Admettre que le rythme d'écoulement du temps paraisse plus lent pour le navigateur en mouvement que pour l'observateur au repos. Plus tard, Einstein montrera que le temps passe plus lentement au fond des vallées qu'au sommet des montagnes (on y est plus loin du centre de la Terre, et en conséquence, l'attraction de la Terre y est plus faible). Les différences sont extrêmement minimes (quelques milliardièmes de seconde par année), totalement indécelables par nos sens, mais parfaitement mesurables grâce aux instruments de précision de la technique contemporaine. Ces différences ont été mesurées plusieurs fois, et les résultats confirment toujours les prévisions de la théorie d'Einstein …

Plusieurs auteurs se sont opposés à cette théorie, au nom du bon sens. Mais le bon sens doit s'incliner devant les faits. Accepter la réalité telle qu'elle est, en science (et ailleurs …), c'est le début de la sagesse.