Hubert Reeves

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Émission du 8 octobre 2005

C'est en modifiant sérieusement les notions d'espace et de temps qu'Einstein a pu, en 1905, comprendre pourquoi les mesures de la vitesse de la lumière donnent toujours la même valeur, quelle que soit la vitesse de celui qui opère. Des mathématiques qu'il a utilisées pour intégrer cette nouvelle notion a surgi une formule universellement célèbre : E = mc2.

Mais que dit exactement cette formule ? D'abord, que la matière est une forme d'énergie. On connaissait déjà l'énergie thermique (la chaleur), l'énergie cinétique (celle qui est associée au mouvement des corps), l'énergie chimique, etc. À cette liste, Einstein en ajoute une autre : la matière elle-même.

Les énergies peuvent se transformer l'une dans l'autre :

Einstein ajoute une autre possibilité :

C'est exactement ce qui se passe à l'intérieur du Soleil, comme à l'intérieur de toutes les étoiles de l'univers. À chaque seconde, le Soleil perd 400 millions de tonnes de sa matière (l'équivalent d'une grosse colline terrestre) qui devient de la lumière (énergie lumineuse). Sa masse diminue d'autant. Comme, heureusement, elle est très grande, le Soleil peut ainsi perdurer, et cela encore pendant des milliards d'années …

En disant que la matière se transforme en énergie, on risque fort d'oublier que la matière est elle-même une forme d'énergie. Dans le cas du Soleil, la matière devient énergie lumineuse. Inversement, de l'énergie lumineuse peut devenir matière : au laboratoire, on engendre des particules massives, des électrons par exemple, à partir de l'énergie lumineuse. Les transformations se font aussi bien dans un sens que dans l'autre.

Mais revenons à notre équation E = mc2. C'est en quelque sort une équation de comptabilité. Comme un cours des changes dans la vitrine des agents de change. Elle dit combien d'énergie (lumineuse, thermique, cinétique) on obtient en échange d'un gramme de matière. Reprenons l'exemple du Soleil : avec la formule, on calcule que la lumière émise chaque seconde par le Soleil équivaut à la perte pour lui de quatre cent millions de tonne de sa propre matière.

Cette formule a joué un rôle fondamental dans l'élaboration de la physique nucléaire. Elle permet de dresser des bilans corrects des phénomènes étudiés dans les accélérateurs de particules. Mais elle ne se limite pas à la physique nucléaire. Elle s'applique dans un grand nombre de situations de la vie courante. Ainsi, une comptabilité correcte et complète de ce qui se passe dans un feu de bois montrerait que cette équation décrit fort bien, par exemple, la transformation de la matière ligneuse en chaleur, en lumière, et en fumée.

Cette formule fait partie de la moisson de résultats fondamentaux obtenus par Einstein quand il a cherché à comprendre pourquoi la vitesse de la lumière est la même pour tous les observateurs.