Hubert Reeves

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Émission du 22 octobre 2005

L'histoire de la théorie de la relativité d'Einstein comporte deux épisodes bien différents, publiés l'un vers 1905, l'autre en 1917. Les chroniques précédentes ne concernaient que le premier, celui de la Relativité dite « Restreinte ». Essentiellement parce que cette théorie s'intéresse aux mouvements des corps dans une région où les champs de gravité sont très faibles, donc négligeables. Bien sûr, nous vivons dans un champ de gravité provoqué par la présence de la Terre sous nos pieds, mais, à l'échelle cosmique, ce champ est si faible qu'on peut l'ignorer. Il n'en est pas de même près de certains astres, des étoiles à neutrons, ou des trous noirs, où la gravité joue un rôle prédominant. Dans ces contextes si différents de celui que nous vivons sur la Terre, la théorie de la « Relativité Générale » — dont nous allons parler maintenant — s'applique admirablement.

Notons encore, avant d'aller plus loin, que la Théorie « Restreinte » peut être considérée comme une extension du champ d'application de la théorie de Newton, qui date du 17ème siècle.

Cette théorie de Newton est adéquate quand on l'applique aux mouvements des corps dont la vitesse est bien inférieure à celle de la lumière. Exemple : le mouvement de la Terre autour du Soleil. Sa vitesse de 30 km par seconde est à comparer aux 300 000 km par seconde de la lumière : elle en est 10 000 fois inférieure.

Mais la théorie de Newton est complètement inapte à décrire les mouvements des électrons à des vitesses voisines de celle de la lumière dans un accélérateur. Il faut alors impérativement utiliser la « Relativité Restreinte ».

Déjà, quand on étudie le mouvement de la planète Mercure autour du Soleil (40 km par seconde), la théorie de Newton commence à montrer ses insuffisances. L'explication correcte de l'orbite de Mercure fut une des premières victoires de la « Théorie Restreinte ».

Profitons-en pour prendre en considération une remarque importante : Les progrès de la physique ne consistent pas, généralement, en une négation des théories préexistantes (on ne peut pas dire, dans le cas de Mercure : « Newton avait tort et Einstein a raison »), mais en une extension du champ d'application d'une théorie physique (on peut comprendre plus de choses avec Einstein qu'avec Newton). Ainsi, la théorie de Newton reste parfaitement valable et utilisable pour les mouvements de faible vitesse par rapport à celle de la lumière, mais, quand on veut étudier les mouvements à grande vitesse, il faut la compléter par celle d'Einstein.

En abordant la « Théorie Générale » nous allons, à nouveau, nous trouver dans une situation similaire. La « Théorie Générale » est, en fait, une extension de la « Théorie Restreinte ». Cette extension est rendue nécessaire quand on considère les mouvements des objets plongés dans une région où les champs de gravité sont considérables. Un des avantages de cette théorie, pour l'astronome, c'est qu'elle permet d'étudier non seulement les comportements d'astres particuliers, mais aussi le comportement de l'univers entier, c'est-à-dire de l'ensemble des galaxies soumis à la gravité qu'elles exercent les unes sur les autres. Cette théorie est le socle sur lequel repose la théorie du Big Bang …