Hubert Reeves

Site officiel

Chronique
précédente :

Einstein (6)

Chroniques radio France-Culture

Tous les samedis à 18h40
(rediffusion le mercredi suivant à 13h50)

Chronique
suivante :

Einstein (8)

Einstein (7)

Émission du 5 novembre 2005

Pour expliquer le mouvement des planètes autour du Soleil, Newton, au 17ème siècle, a introduit la notion d'une « force à distance ». Le Soleil attire la Terre, située à 150 millions de kilomètres de lui. Cette notion avait été assez mal reçue par les scientifiques de l'époque, qui lui préféraient la notion de force par contact physique, chère à Descartes. Avec Einstein, la notion même de force disparaît. C'est l'idée de la déformation de la géométrie de l'espace par la présence de corps massifs qui la remplace. La courbure de l'espace autour du Soleil impose à la Terre son mouvement orbital annuel.

S'agit-il d'un simple jeu de l'esprit ? N'a-t-on pas inutilement compliqué la situation en remplaçant la notion de force à distance par celle de déformation de la géométrie de l'espace ?

Ce qui compte, c'est l'efficacité de la théorie. Celle de Newton ne peut pas expliquer le comportement de l'orbite de Mercure, celle d'Einstein le peut. Cette notion d'efficacité est fondamentale en science : on remplace une théorie par une autre si celle-ci rend compte de plus de phénomènes physiques que la première. À ce prix, on adopte un formalisme nouveau, même s'il est plus compliqué que le premier.

Retournons maintenant à la Tour de Pise, où Galilée observe le mouvement des boules métalliques de divers diamètres qu'il a laissées tomber. En quoi la nouvelle conception d'Einstein rend-elle compte de la simultanéité de leur arrivée au sol ? La réponse est simple : si le mouvement des corps n'est pas relié à leurs propriétés personnelles, masse, inertie, mais à la géométrie de l'espace, on peut comprendre que toutes les boules qui se meuvent dans cet espace se comportent de la même façon, quelles que soient leur masses respectives.

Cette théorie d'Einstein a connu un grand succès de popularité en 1919, lors d'une éclipse de Soleil. Les mouvements de la lumière elle-même sont soumis à la courbure de l'espace imposée par les corps massifs. À partir de cette notion, Einstein avait prévu qu'au moment où le Soleil allait disparaître derrière le disque de la Lune, on pourrait, dans le ciel obscurci, voir des étoiles situées derrière le disque du Soleil. En effet, la lumière de ces étoiles allait être déviée par la masse du Soleil lors de son passage auprès de lui ; En quelque sorte, elles allaient, de derrière lui, passer devant lui.

Les observations de l'éclipse par l'astronome anglais Eddington allaient confirmer cette prédiction. Ce succès, annoncé dans les journaux du monde entier, allait donner à Einstein une célébrité mondiale. On dit qu'en apprenant la bonne nouvelle de la confirmation de sa théorie, il ne fut nullement surpris.

On a ici un bel exemple du processus scientifique mis en œuvre dans toute la recherche. Une théorie nouvelle, ici la « Relativité Générale », est mise à l'épreuve des faits. Les prédictions de la théorie sont confirmées par l'observation.

Cette théorie de la « Relativité Générale » a remporté bien d'autres succès qui l'ont entièrement crédibilisée aux yeux des scientifiques.