Hubert Reeves

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Émission du 21 mai 2006

Nous nous questionnons sur le sens physique des unités de temps, d'espace, et d'énergie, définies par Max Planck à partir des propriétés fondamentales de la nature : force de gravité, quantas, vitesse de la lumière. Nous avons noté que les difficultés de la physique contemporaine rendent difficile une interprétation satisfaisante du sens de ces unités.

Il s'agit en particulier du fait qu'il n'existe pas, à ce jour, de théorie quantique de la force de gravité. Cette lacune entrave considérablement notre possibilité d'étude du cosmos dans son ensemble.

On peut aborder le sujet en posant la question suivante : « Selon la théorie du Big Bang, l'univers en expansion se refroidit continuellement ; mais pouvons-nous estimer quelle température il a atteint dans son plus lointain passé ? »

La réponse s'obtient à partir de certaines observations qui sont, pour nous, comme des vestiges du passé.

Dans une chronique précédente, nous avons étudié l'histoire thermique de l'univers. Nous avons vu que, pour comprendre les propriétés du rayonnement fossile quand l'univers avait quatre cent mille ans, il faut admettre qu'il a atteint au moins quelques dizaines de milliers de degrés.

D'une façon analogue, nous avons vu que les populations relatives des atomes légers — l'hydrogène et l'hélium — nous permettent de remonter encore plus loin. Elles nous prouvent que la température cosmique a été suffisamment élevée pour que des réactions nucléaires aient pu se produire dans l'espace, réactions qui ont engendré ces atomes d'hydrogène et d'hélium. Pour cela, il fallait plusieurs milliards de degrés. L'absence d'antimatière dans le cosmos et les populations relatives des photons et des électrons nous permettent de faire encore un pas vers le passé, et d'atteindre des valeurs de quelques millions de milliard de degrés. Il convient toutefois de rappeler que cette dernière évaluation est encore bien incertaine.

Aucun vestige vraiment fiable ne nous permet aujourd'hui de remonter encore plus haut dans l'échelle des températures. Mais des indications — qui se confirmeront peut-être — nous font penser qu'il a fait peut-être encore plus chaud !

Mais il y a une limite : la température de Planck, définie à partir des propriétés du cosmos. Cette température est de 1022 degrés, soit « un » avec vingt-deux zéros : dix mille milliards de milliards de degrés. Que signifie cette limite ? Elle nous dit simplement que la physique contemporaine est inapte à décrire ce qui se passerait dans une matière portée à une telle température. Le concept même de température perd tout sens quand on approche de cette limite.

Pour cette raison, on utilise l'expression « le mur de Planck ». C'est la limite imposée à la physique contemporaine dans sa démarche pour explorer l'univers ancien. Répétons cependant qu'en science, les situations ne sont jamais définitives. Un jour, peut-être bientôt, nous pourrons dépasser cette limite.

Mais c'est là que nous en sommes maintenant.