Hubert Reeves

Les sursauts gamma

Émission du 4 juin 2006

Il y a une trentaine d'années, les militaires américains ont mis en orbite quatre satellites pour détecter et observer les explosions nucléaires des puissances étrangères. Les instruments étaient en mesure de percevoir les rayons gamma associés à ces événements.

Après une dizaine d'années d'opérations, ces instruments furent remplacés par d'autres, plus performants. À cette occasion, les opérateurs du système se sont décidés à révéler aux astronomes un secret qu'ils étaient jusque-là contraints de garder, pour ne pas donner d'informations sur leurs détecteurs : les instruments avaient enregistré, en plus des événements terrestres qu'ils avaient mission de rapporter, plusieurs émissions de rayonnement gamma en provenance du ciel. Ces émissions étaient extrêmement brèves, souvent bien inférieures à une seconde.

Quelle pouvait être l'origine de ces flux de photons nommés « sursauts gamma » ? Des télescopes à rayonnement gamma furent rapidement mis en orbite par la NASA pour élucider ce mystère.

Question : quelle est la distance des sources ? Aucun moyen, à cette époque, de déterminer si elles sont proches de la Terre, et donc relativement peu intenses, ou bien loin, et en conséquence beaucoup plus intenses. Des dizaines d'hypothèses furent formulées, confrontées aux observations, et réfutées les unes après les autres. Les observations s'accumulaient, devenaient de plus en plus précises, sans apporter plus d'explications au mystère des sursauts gamma. Sauf sur un point important : tout favorisait l'idée qu'il s'agissait d'astres très éloignés, bien au-delà de notre galaxie, vraisemblablement à des centaines de millions d'années-lumière. En conséquence, l'intensité énergétique des sources devait être extrêmement élevée, comparable à celle des explosions d'étoiles massives à la fin de leur vie (les supernovæ).

Pour en savoir plus, il importait d'observer ces sursauts sur d'autres longueurs d'ondes, c'est-à-dire :

• de tourner vers la source :
  • des radio-télescopes,
  • des télescopes optiques, et
  • des télescopes à rayonnement «X» ;
• de chercher à percevoir les échos lumineux qui accompagnent ces « flashs ».

Il fallait alors réorienter très rapidement ces instruments aussitôt après l'annonce d'une arrivée de rayons gamma. Cette manœuvre est maintenant de mieux en mieux réussie, et les renseignements pleuvent sur la nature des phénomènes physiques qui accompagnent ces sursauts.

On admet aujourd'hui que ces sursauts accompagnent la mort d'étoiles extrêmement massives, sans que pour autant les mécanismes de l'émission gamma soient correctement élucidés. Leurs gigantesques puissances en font des objets du plus grand intérêt pour l'étude de l'univers des premiers temps. Certains sursauts gamma se sont produits à une période où l'univers avait moins d'un milliard d'années, c'est-à-dire moins de dix pour cent de son âge actuel. On s'attend à ce qu'ils jouent un rôle de plus en plus important dans l'élucidation des phénomènes qui ont donné naissance aux première étoiles et aux premières galaxies.