Hubert Reeves

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L'eau du robinet

Émission du 16 juillet 2006

Nous quittons aujourd'hui la cosmologie pour retourner à l'écologie.

Les retombées nocives de notre développement technologique et industriel nous atteignent quelquefois de manière inattendue, et d'autant plus insidieuse qu'elle est discrète. Aujourd'hui, nous allons parler de ce que nous ingurgitons quand nous buvons un verre d'eau du robinet.

Des études récentes dans plusieurs pays européens montrent que des produits pharmaceutiques variés, en particulier des antibiotiques, ou d'autres médicaments donnés aux humains et aux animaux, s'accumulent dans les cours d'eau, les nappes phréatiques, et même certains aliments. On les retrouve en quantités abondantes dans les eaux d'égouts des hôpitaux et des fermes d'élevage. Ils sont particulièrement élevés dans les rivières et les fleuves qui reçoivent les égouts municipaux des grandes villes. Certaines molécules, les tétracyclines par exemple, perdurent plusieurs mois avant de se dégrader, et les produits de leur dégradation sont eux-mêmes toxiques.

Le danger de ces substances est double : elles risquent de modifier sérieusement l'activité et la diversité des microbes du sol, et aussi de provoquer, dans certains cas, une accoutumance entraînant la résistance aux antibiotiques chez les humains et les animaux. L'escalade se poursuit dans la lutte entre les agresseurs microbiens, et de l'autre les organismes défenseurs de notre système immunitaire.

Face aux multiples problèmes que pose la situation écologique contemporaine, les gens demandent, avec raison : « Que pouvons-nous faire ? Donnez-nous des conseils pratiques ».

Une fois encore, l'urgence est de prévoir et de prendre en compte les résultats potentiels de chacune de nos actions, même les plus familières. Elles confirment à nouveau la nécessité de limiter au maximum l'utilisation des antibiotiques. L'habitude de « ratisser large », en utilisant une batterie de médicaments au moindre signe d'infection — attitude qui prévalait ces dernières décennies — doit laisser place à une posologie beaucoup plus prudente et à des dosages judicieux. Cette remarque s'adresse aussi bien aux citoyens qu'à leurs médecins traitants. Comme bénéfice supplémentaire, elle contribuera à réduire le déficit de la Sécurité Sociale.

Au niveau des hôpitaux et des municipalités, on reconnaît que l'ozone (encore lui) représente notre meilleur allié contre le danger des pollutions aquatiques. L'ozonation des eaux contaminées est une méthode très efficace : non seulement l'ozone agit sur les polluants, mais il élimine les bactéries et les virus sans laisser de goût, comme le font les dérivés chlorés. De nouvelles structures devraient rapidement être mises en place pour réduire cette menace à notre santé que représente la pollution aquatique déjà installée.

En résumé, il est urgent d'enrayer, par tous les moyens, l'aggravation de la pollution de nos eaux dites potables plutôt que de se contenter de les traiter. Cette recommandation prend une importance particulière face au problème, de plus en plus aigus de l'épuisement des réserves d'eau douce sur la planète.

Note du webmestre :

Cette chronique, effectivement programmée à l'origine pour le dimanche 16 juillet 2006 à 22h10, y a été remplacée par la diffusion de fictions enregistrées au festival d'Avignon, et n'a été diffusée en réalité que le mercredi 19 juillet 2006 à 13h50, à l'occasion de ce qui aurait dû être sa rediffusion. Nous la faisons néanmoins apparaître ici sous la date du 19 juillet 2006, afin de respecter la chronologie initialement prévue.