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Quand la Marseillaise n’est pas adaptée …

Publié le 12 janvier 2015 dans Le Point.fr

Hubert Reeves veut réécrire certains passages de la Marseillaise. Les événements récents ne plaident pas pour des paroles va-t-en-guerre …

Manifestation pour Charlie Hebdo
Les paroles de la Marseillaise qu’un sang impur abreuve nos sillons sont-elles encore adaptées dans de telles circonstances ? © EyePress News / AFP

La spontanéité et la vigueur de la réaction, en France et sur toute la planète, font chaud au cœur. Car, à l’étranger aussi, des hommes et des femmes ont déclaré qu’ils étaient Charlie. Elles ont montré, magnifiquement, l’attachement que nos frères humains ont pour la liberté d’expression, indissociable des droits de l’homme. Pourvu que ça dure, est-on tenté de souhaiter. Mercredi 7 janvier 2015, en réaction aux crimes des terroristes de Daesh, place de la République — lieu choisi avec grande pertinence —, une foule s’est assemblée, chantant avec ferveur la Marseillaise. La contradiction flagrante entre les sentiments humanistes qui les animaient et le contenu de certaines des paroles chantées mérite d’être signalée.

Les manifestants voulaient témoigner leur opposition déterminée à ceux qui venaient de violer, de la façon la plus outrageuse, une des acquisitions de la Révolution française : les droits de l’homme et, en particulier la liberté d’expression. Le sens de certaines paroles prononcées est profondément contraire aux sentiments exprimés. En cause : qu’un sang impur abreuve nos sillons.

Le concept de sang impur est à bannir

Ce qualificatif impur, quel qu’en ait été le sens lors de l’écriture de la Marseillaise, n’est plus acceptable aux enfants de France et du monde. Et si la Marseillaise fut un chant patriotique qui eut sa justification, ne plus verser le sang est un sublime idéal à promouvoir. Cette situation n’est pas nouvelle. Des souhaits et propositions pour modifier les paroles belliqueuses de la Marseillaise se sont fait entendre irrégulièrement au cours du temps. De Jaurès à Théodore Monod, Georges Brassens, Boris Vian, et dernièrement Lambert Wilson, de nobles suggestions ont été faites dans ce sens. Mais sans résultat.

Peut-on espérer que les événements récents mettent en évidence ce hiatus entre les sentiments exprimés par des humains se reconnaissant dans les valeurs d’une démocratie moderne et les paroles de la Marseillaise. Une belle occasion s’offre ici d’effacer ces mots d’un autre âge. Ils sont indignes de ceux qui ont magnifiquement montré leur attachement aux droits de l’homme, de tous les hommes. Le concept de sang impur est à bannir. Comme celui d’en abreuver la terre …