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Y a-t-il de la vie hors de la Terre ?

Publié le 4 mars 2015 dans Le Point.fr
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Les enjeux de cette question sont métaphysiques. Mais les réponses, elles, viendront de l’exploration spatiale. Tour d’horizon de pistes en cours.

UCF-1.01 et son étoile
UCF-1.01 et son étoile : cette exoplanète serait la plus petite et la plus proche de notre Terre. Elle est parfaitement inhabitable. © NASA/JPL-Caltech/R. Hurt (SSC)

L’exploration du système solaire — planètes, satellites, comètes — au télescope et par les sondes spatiales nous a révélé des paysages de désolation et d’aridité, désertiques. Les photos de la comète Tchourioumov-Guérassimenko nous en ont donné une nouvelle illustration. Le contraste est saisissant avec notre jolie planète bleue et fleurie.

© Cnes/Esa
La surface de la comète Chury © Cnes/Esa

Se repose la question millénaire : serions-nous seuls dans l’univers ? La vie terrestre serait-elle un phénomène exceptionnel et peut-être même unique ? Suppose-t-elle une intervention spéciale ? Le fameux coup de pouce des philosophes scolastiques ! Vieux problème qui alimente depuis longtemps les débats philosophiques. Il y a aujourd’hui quelques espoirs de pouvoir ajouter des éléments à ce dossier.

De notre voisine Mars aux exoplanètes

Des recherches astronomiques sur l’existence de vie hors de la Terre se poursuivent dans deux domaines différents : sur les planètes qui tournent autour du Soleil et aussi sur celles qui tournent autour d’autres étoiles de notre ciel nocturne : les exoplanètes.

Dans notre système solaire, il y a encore des lieux prometteurs. On a longtemps fantasmé sur la planète Mars. Quand j’étais étudiant, on pensait observer au télescope le passage des saisons sur ses hémisphères. Les robots martiens qui la parcourent en tout sens n’ont pas confirmé cette hypothèse. Pourtant, les recherches de vie se poursuivent encore dans les déserts martiens. On n’a pas tout à fait perdu espoir.

Mars
© AFP/Nasa

Regardez aussi notre diaporama sur l’épopée de Curiosity sur Mars

Aujourd’hui, les instruments d’observation se tournent vers les océans tièdes et salés situés sous les banquises des satellites de Jupiter et de Saturne : Europa, Encelade, Titan. Quelques organismes inconnus nagent-ils dans leurs eaux ? Des projets d’exploration au moyen de sondes spatiales sont en préparation. On devrait en savoir plus d’ici quelques années.

Quant aux exoplanètes, pas question d’y aller. Elles sont vraiment trop loin, il faudrait plusieurs centaines de milliers d’années de voyage. C’est par l’observation de la lumière qui nous en arrive que nous pouvons espérer en savoir davantage par l’étude au spectroscope de leur atmosphère. On a déjà repéré de l’eau, du sodium et des molécules carbonées. Y trouver, comme chez nous, de l’oxygène moléculaire ou de l’ozone serait du plus grand intérêt. Cette information suggérerait fortement la présence de vie, au moins microscopique. En effet, sur la Terre, ce sont les organismes vivants qui ont transformé presque intégralement le gaz carbonique de l’atmosphère en oxygène (il reste moins d’un millième de la teneur initiale de gaz carbonique).

Si la vie terrestre devait s’éteindre, notre atmosphère reviendrait à son état initial. L’oxygène atmosphérique est une manifestation, à l’échelle cosmique, de la présence active de vie sur notre planète.

Nous pourrions tous être des Martiens

Que nous apprendrait une détection positive de vie sur les planètes solaires ou sur les exoplanètes ? Dans le système solaire, l’interprétation ne serait pas immédiate. Car les corps planétaires ne sont pas des systèmes isolés : ils échangent de la matière. On trouve sur la Terre, au pôle Sud, des météorites d’origine martienne ou lunaire. Elles proviennent de chutes d’astéroïdes sur ces planètes qui, par ricochets, ont relancé dans l’espace des débris arrachés aux surfaces impactées. Il est possible que des organismes vivants aient été ainsi disséminés entre les sols planétaires. Des vivants terrestres auraient pu se retrouver sur Mars. Et, dans l’autre sens, nous pourrions tous être des Martiens !

Conclusion : la détection d’organismes vivants ou fossilisés dans le système solaire ne prouverait pas nécessairement que la vie est apparue dans chacun de ces lieux. L’analyse des brins d’ADN pourrait permettre d’ajouter des informations pertinentes.

Mais l’interprétation serait différente si des formes de vie étaient identifiées sur des exoplanètes. Il serait alors difficile d’échapper à l’idée que la vie est apparue plus d’une fois et de façon indépendante dans l’univers. Une telle observation serait d’une importance capitale pour toute la pensée humaine. Elle mettrait fin à un vieux débat sur la nature de la vie dans lequel se sont impliqués un grand nombre de penseurs comme Aristote, Blaise Pascal, Louis Pasteur, et tant d’autres …

La vie nous apparaîtrait alors comme étant une propriété de la matière, ne requérant aucune intervention surnaturelle, aucun coup de pouce miraculeux. Elle accréditerait l’idée qu’elle émerge spontanément quand les conditions requises sont réunies pendant suffisamment de temps. Sa rareté prouverait simplement que ces conditions sont rares. Mais l’univers est grand et les planètes sont nombreuses. Il y en a vraisemblablement au moins mille milliards de milliards !

Grâce à la poursuite de l’exploration de notre fabuleux cosmos, cette heureuse trouvaille pourrait être annoncée … bientôt, ou peut-être jamais …, selon le cas.