Hubert Reeves

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Article paru dans 20 minutes n° 437 du 26 janvier 2004


20 minutes

Hubert Reeves a accepté de présider le mouvement ROC (Rassemblement des opposants à la chasse) après la disparition de son fondateur, le naturaliste Théodore Monod. Un mouvement renommé, depuis, Ligue pour la préservation de la faune sauvage et la défense des non chasseurs, dite « Ligue ROC » *.

Hubert Reeves a publié, avec le philosophe Frédéric Lenoir, Mal de terre, (Seuil, 2003).

En novembre dernier est sorti en DVD le documentaire Conteur d'étoiles (Éd. Montparnasse).

* Ligue Roc : 26 rue Pascal, 75005 Paris.


Hubert Reeves, astrophysicien

« Tout un patrimoine risque de disparaître en Guyane »

Hubert Reeves (T.Caplain/Lieu-dit/20 Minutes)

« Sa forêt vierge est l'une des rares à compter autant d'espèces menacées »

Vous présidez un mouvement de défense de la nature qui tire notamment le signal d'alarme concernant la situation écologique de la Guyane. Pourquoi la Guyane ?

Parce que cette vitrine technologique de la France, avec Kourou, base de lancement des fusées Ariane, est aussi l'un des territoires les plus riches au monde en termes de biodiversité. Mais une biodiversité qui est en grand danger. La forêt vierge de Guyane est en effet l'une des rares à compter autant d'espèces animales et végétales menacées, alors que beaucoup ne sont même pas répertoriées. Les plus beaux oiseaux y font, par exemple, l'objet de tous les trafics. Et, à terme, c'est tout un patrimoine naturel qui risque de disparaître.

Vous évoquez aussi le danger représenté par les orpailleurs, ces chercheurs d'or venus du Brésil voisin…

Ils utilisent une grande quantité de mercure pour traiter l'or qui se trouve dans les rivières. Ce mercure, rejeté dans l'eau, est à l'origine de très graves maladies touchant les populations indigènes. Cette détérioration de l'environnement est absolument indigne de la France. Il serait très important que la Guyane devienne une fenêtre d'excellence sur le plan écologique, comme elle l'est dans le domaine de l'espace.

À qui appartient-il d'agir ?

Au ministère de l'Environnement, que ce soit pour la Guyane ou pour les atteintes à l'environnement en Nouvelle-Calédonie. Là-bas, ce sont les coraux qui risquent de disparaître. À cause de l'augmentation de la température – due aux gaz à effet de serre –, mais aussi parce que l'on y pêche à l'explosif. Des associations souhaitent même inscrire la barrière de corail au patrimoine mondial de l'Unesco. Il faut maintenant que le gouvernement français se donne les moyens d'agir.

A-t-on déjà chiffré le travail à effectuer en Guyane ?

Cela viendra plus tard, lorsque des spécialistes lanceront des études très précises. Pour l'heure, notre objectif est de mettre le problème sur la scène et d'allumer les projecteurs. Nous essayons juste d'alerter l'opinion sur l'importance de la tragédie, et sur la contradiction qui existe entre ce qui se dit au plus haut niveau de l'État et ce qui se fait sur le terrain. On pourrait penser que la défense d'une telle biodiversité est une priorité. Il n'en est rien : pas plus en France (à travers la Guyane) que partout ailleurs dans le monde, où les forêts équatoriales sont menacées, au Congo, en Indonésie ou ailleurs.

Ce combat n'est-il pas perdu d'avance ?

Pas du tout ! Ce qui me rend optimiste, c'est que, depuis une trentaine d'années, quantité de choses se font en matière de défense de l'environnement. Le sujet est devenu une vraie préoccupation mondiale : il y a désormais des conférences internationales. Elles ne donnent pas toujours de résultats, mais elles sont bien le signe d'une véritable prise de conscience de l'urgence de toutes ces questions. Nous nous retrouvons aujourd'hui dans une ambiance de confrontation entre deux forces : une force de profits à court terme, qui se moque éperdument de l'avenir, et une autre force, croissante, qui s'oppose, que ce soit sur le plan de l'environnement ou de l'altermondialisme.

Faut-il être optimiste pour cette planète ?

C'est le bon mot : il « faut » l'être ! Chaque fois que l'on fait un pas, on avance. Au temps de l'Empire romain, tout le monde allait aux jeux du cirque voir avec plaisir des gladiateurs s'entretuer. La mentalité humaine évolue, surtout si on l'étudie à l'échelle de milliers d'années. L'avenir est inquiétant mais, comme on dit, le pire n'est jamais sûr.

Propos recueillis par Luc Brunet