Hubert Reeves

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Article paru dans Les cahiers de la bio-énergie Nº 35 ,
de novembre 2007.


Hubert Reeves
Interview
exclusive !

Hubert Reeves est un astrophysicien qui se passionne toujours autant pour les étoiles mais porte dorénavant un regard inquiet sur une planète : la nôtre, une planète bleue, dans l’immensité du cosmos. Planète irremplaçable.

Hubert Reeves consacre de plus en plus de son temps non seulement à rendre l’astronomie accessible aux non-spécialistes mais aussi à faire part de ses préoccupations croissantes pour l’avenir de la biodiversité dont l’humanité fait partie et dépend. Propager le savoir acquis est considéré comme un devoir. Ses conférences et ses derniers livres témoignent de sa détermination à partager ses connaissances en professionnel de l’astrophysique, et en initiateur à l’écologie.

Hubert Reeves

Depuis 2001, succédant à Théodore Monod, il préside la Ligue ROC pour la préservation de la faune sauvage et la défense des non-chasseurs, association française loi 1901 reconnue d’utilité publique et qui ne reçoit aucune subvention étatique. Elle n’existe donc que par la volonté de ses membres cotisants. Depuis 2004, elle étend son action à la préservation de la biodiversité.

Même si la sixième extinction majeure d’espèces dans laquelle nous sommes entrés diffère des précédentes quant à ses causes et l’extrême rapidité des éliminations, ce n’en est pas moins une crise et cette fois les humains sont concernés alors que l’humanité n’existait pas encore dans les crises précédentes. Il y a urgence à stopper ce déclin sous peine de mettre les générations à venir en mauvaise posture.

Bien sûr il importe de créer des synergies pour contrecarrer les forces de résistance à l’évolution nécessaire, et la Ligue ROC est affiliée à la fédération FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT. Elle est aussi membre du Comité français de l’UICN dont le dernier rapport sur le statut des espèces vivantes (animaux et plantes) est plus qu’alarmant.

En pleine mondialisation, la « mondialisation de l’écologie » est un objectif fort et l’idée d’une organisation internationale consacrée à l’environnement, lancée par Jacques Chirac, est à soutenir.

Les années 2006-2007 sont sans doute des années de grande importance et il faut ici rendre hommage à Nicolas Hulot et à sa fondation qui a lancé le Pacte écologique, faisant entrer l’écologie dans les campagnes électorales.

Il en résulte le « Grenelle de l’environnement », événement sans précédent. Enfin des personnes qui ne se rencontraient jamais s’assoient autour d’une table pour chercher ensemble des mesures à prendre pour préparer le futur de nos descendants. Ce sont les décisions d’aujourd’hui qui vont hypothéquer ou améliorer l’avenir.

Comme les médias se sont emparés du dossier des dérèglements climatiques liés aux gaz à effet de serre que nous rejetons dans notre atmosphère, Hubert Reeves a tendance à parler davantage de l’érosion de la biodiversité. De toute façon, il prend sa part de travail. Et sa présence à la présidence de la Ligue ROC stimule l’équipe. C’est très important pour lui que nous ne donnions pas l’impression que « tout est foutu ». Ses recommandations sont toujours des mises en garde : « Ne déprimez pas vos interlocuteurs ». Il a raison, on ne peut prendre le risque de démobiliser qui veut agir. On ne peut négliger les signes positifs qui existent. Et puis « ensemble » on est plus fort. Ceci est donc une invitation à rejoindre la Ligue ROC.

Propos recueillis par Daniel Perraud

Daniel Perraud : La terre est une planète particulière du système solaire. Est-il imaginable de trouver une planète similaire (même atmosphère, même température, et donc habitable) à proximité d’une étoile dans un autre système ?

Hubert Reeves : Imaginer est facile. Trouver est plus difficile. Le Soleil n’étant pas la seule étoile à avoir des planètes en orbite autour de lui, et loin s’en faut, le nombre de planètes dans le cosmos atteint un chiffre si grand que l’on pourrait se dire : « Pourquoi n’y aurait-il pas une autre planète habitée, que les formes de vie soient identiques ou différentes des formes terrestres ? ».

Astéroïde

Un astéroïde nommé Hubert Reeves

Le système solaire compte désormais un astéroïde nommé en l’honneur de l’astrophysicien québécois.

L’astéroïde Hubert Reeves (9631) 1993 SL6.

Image obtenue à l’Observatoire du Mt Palomar, le 22 avril 1982. On connaît peu de chose de cet astéroïde découvert par l’astronome belge Eric W. Elst le 17 septembre 1993 à l’observatoire de La Silla au Chili. Son diamètre se situe entre 5 et 12 km et sa forme est probablement irrégulière. On sait aussi qu’il effectue une orbite légèrement excentrique (e=0,0666) située entre Mars et Jupiter (a=2,83) en 4,75 ans.

Généralement on pense que la vie ne pourrait exister que sur des planètes comparables à la nôtre, ou plus petites que la Terre. Pour le moment, il n’y a qu’une certitude : la Terre est habitée, peuplée d’espèces vivantes sous des multitudes de formes. Et personne à ce jour ne peut affirmer que d’autres planètes ont permis ou permettent ou vont permettre d’accueillir la vie. Personne ne peut affirmer le contraire… Il faut attendre…

Pouvez-vous nous parler des trous noirs ?

Hubert Reeves : Il en existe deux variétés distinctes, caractérisées par leur masse. La première contient des astres dont la masse est comparable à celle du Soleil, ce sont les trous noirs stellaires. La seconde est constituée d’astres atteignant des millions de fois la masse du Soleil, ce sont les trous noirs galactiques.

Y a-t-il d’autres différences entre les trous noirs stellaires et les trous noirs galactiques ?

Les trous noirs stellaires se forment au moment de la mort des étoiles les plus massives des galaxies. Tout au long de leur existence, les étoiles tirent leur énergie des réactions thermonucléaires qui se produisent dans leur cœur torride. Quand elles ont épuisé leur carburant nucléaire, elles s’effondrent sur elles-mêmes. Leur noyau résiduel, contracté par l’effet de leur puissante gravité, peut, dans certains cas, former un trou noir. Ainsi, depuis la naissance d’une galaxie, des générations d’étoiles engendrent de tels astres inertes dans l’immensité interstellaire. Il y en a vraisemblablement plus d’un milliard dans la Voie lactée, comme dans chacune des galaxies de l’univers.

Ces astres condensés agissent comme des aspirateurs géants qui engouffrent tout ce qui passe à leur proximité. La matière, prise au piège comme dans un maelström, est attirée par le trou noir, tournoie autour de lui, tourbillonnant comme l’eau d’une baignoire aspirée dans le trou de vidange. Le tout constitue ce que nous appelons un « disque d’accrétion ». Plus les masses capturées s’approchent du trou noir, plus le mouvement des masses capturées s’accélère. À cause de cette agitation croissante, elles s’échauffent rapidement. Elles s’illuminent alors et émettent des rayonnements de plus en plus intenses et de plus en plus énergétiques, jusqu’à devenir de puissantes sources de rayonnements… C’est ainsi que ces trous noirs, qui n’émettent aucune lumière, nous deviennent indirectement visibles.

Assimilation

Vue d’artiste du processus d’assimilation d’une étoile par un trou noir.
Illustration : NASA / JPL-Caltech / Tim Pyle (SSC)

En ce qui concerne les trous noirs galac­tiques, leur rayon est comparable à l’orbite de la Terre. On les trouve au centre des galaxies. La nôtre en possède un relativement petit ; sa masse est de trois millions de fois la masse solaire…

La luminosité indi­recte des trous noirs est reliée à la quantité de matière qu’ils dévorent. Ils engloutissent tout ce qui passe à leur proximité, mais encore faut-il qu’ils aient quelque chose à manger !

La présence d’un trou noir colossal au cœur d’une galaxie semble être un phénomène universel. Les deux structures seraient apparues simul­tanément sans que nous sachions bien comment cela se passe. On suppose qu’une partie de la matière de la galaxie en formation ne se met pas en orbite circulaire, mais retombe au centre, formant ainsi le trou noir. Cet effondrement provoque l’émission d’un puissant rayonnement énergétique… Mais quand la galaxie achève sa formation, le flux de matière vers le trou noir s’amenuise progressivement. Le monstre, privé de nourriture, voit sa luminosité décliner considérablement…

D’après vous, vers quoi tend l’évolution de l’univers ? L’expansion est-elle infinie ou limitée ? Y aura-t-il un retour au point de départ ? Peut-on imaginer une autre solution ?

Chroniques des atomes et des galaxies *

Hubert Reeves – Éditions Le Seuil

Couverture de  : Chroniques des atomes et des galaxies

Recueil des chro­ni­ques heb­do dif­fu­sées sur Fran­ce Cul­ture sur les ques­tions fon­da­mentales de la science de l’uni­vers : le Big Bang, la ma­tière et l’éner­gie som­bre, les uni­vers paral­lèles, etc.

Issus des chro­niques heb­doma­daires de Hu­bert Ree­ves sur France Culture, et faisant suite aux « Chro­niques du ciel et de la vie », ces textes brefs constituent un véritable tour de force par la simplicité avec laquelle l’auteur présente notre compréhension du cosmos sans pour autant masquer la subtilité des notions évoquées : le Big Bang, la courbure de l’Univers, la matière et l’énergie sombre, les univers parallèles, le principe anthropique, les trous noirs…

Une remarquable mise à jour des plus récentes découvertes de l’astrophysique et de la cosmologie.

(210 pages – 17,50 €)

* Ce livre parle de l’univers qui nous a engendrés. Le livre précédent « Chroniques du ciel et de la vie » concerne l’avenir de l’aventure humaine. Les deux se complètent.

Hubert Reeves : Nous ne savons pas si l’univers est infini ou non.

Mais ce que l’on sait, c’est que l’univers est en expansion depuis le Big bang initial. Quel est son avenir ? Deux scenarii sont possibles :

Ou l’univers continue à se refroidir sans jamais atteindre le zéro absolu, les galaxies continuent à s’éloigner et l’espace se vide progressivement mais pas complètement, et c’est le Big Chill (grand gel).

Ou après la grande ère d’expansion dans laquelle nous sommes, les galaxies cessent de s’éloigner et se mettent, au contraire, à se rapprocher les unes des autres. Alors la température augmente pour atteindre celle du Big Bang. C’est le Big Crunch (grand écrasement).

Donc ce sera soit Big Chill, soit Big Crunch. Pour l’instant nul ne le sait.

Vous avez beaucoup travaillé sur l’origine de l’univers. Que pensez-vous de la théorie des frères Bogdanov qui indique qu’au début il n’y avait que de l’information ?

Hubert Reeves : Aussi longtemps qu’aucune observation ne confirme une théorie elle demeure une pure spéculation.

Peut-on parler de « conscience cosmique » ? Ou en d’autres termes, l’Univers obéit-il à un logiciel (dont il serait lui-même l’auteur) et qui déterminerait le programme cosmologique que nous découvrons et essayons de comprendre petit à petit ? Et dans ce cas peut-on parler de déterminisme ?

Hubert Reeves : Les analogies entre l’univers et les termes de l’informatique me laissent très sceptique. Ce sont de pauvres images qui révèlent tout juste l’insuffisance de notre imagination.

Longtemps la contemplation des étoiles a été réservée aux poètes ; et qui dit poète dit souvent opposé au scientifique ! Pourtant lorsqu’on lit certains de vos écrits (comme Vision du monde, par exemple) on est loin apparemment, d’un texte scientifique. Pensez-vous pouvoir réconcilier science et poésie ?

Hubert Reeves : C’est là, depuis des décennies, un de mes plus chers désirs, un de mes objectifs favoris. ■

Logo ROCNous traversons une crise inquiétante : celle de la perte continue d’espèces végétales et animales dont on ignore à quel stade elle s’arrêtera, si elle s’arrête… Cette érosion de la biodiversité dont l’humanité fait partie et dépend met la vie humaine en péril.
Notre Ligue se veut porte-parole des citoyens de tous horizons qui, informés des risques liés à la perte de biodiversité – risques accrus par le réchauffement climatique – veulent que les pouvoirs publics prennent en compte ce problème et donc le sort réservé à leurs enfants et aux enfants de leurs enfants.
La Ligue ROC est présidée depuis 2001 par l’astrophysicien HUBERT REEVES.
Cette association (loi 1901), agréé au titre de la protection de la nature, est reconnue d’utilité publique.
Elle est habilitée à recevoir des dons et des legs (exonérés de droits de succession).
LIGUE ROC

http://roc.asso.fr et
http://biodiversite2007.org
26 rue Pascal – 75005 PARIS


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