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Lettre éditoriale du 5 novembre 2011
Paris, le 5 novembre 2011.
Éthique de la Terre
Les gestionnaires d'un parc naturel américain ont récemment modifié les panneaux qui accompagnent les massifs de fleurs. La version initiale était : « Ne cueillez pas ces fleurs. Vous en priveriez les autres visiteurs ». La seconde version est : « Ne cueillez pas les fleurs. Tout comme vous, elles ont le droit d'exister ». Ce changement est, à sa petite échelle, significatif d'une évolution majeure dans notre relation à la nature. Les fleurs existent d'abord pour elles-mêmes.
Cette attitude émane en grande partie de la réflexion d'un biologiste américain Aldo Léopold. Dans son livre « Almanach d'un comté des sables » (première édition à titre posthume en 1949), il résume en une phrase magistrale les acquis des scientifiques sur les rapports entre l'homme et sa planète :
« Au cours de l'histoire humaine nous avons appris (je l'espère) que le rôle du conquérant contient en lui-même sa propre défaite ».
Il développe alors la notion d'« éthique de la Terre » qui élargit les frontières de la communauté humaine pour y inclure les sols, les eaux, les plantes, les animaux, collectivement la terre.
Il s'agit d'un nouvel humanisme, étendu à la biosphère, à tous les éléments auxquels nous sommes, de près ou de loin, reliés pour notre existence. Une vision de l'évolution darwinienne qui incorpore non seulement le bien-être d'une lignée particulière mais aussi celui de toutes les lignées vivantes.
Et quid alors de nos besoins ? Manger et se défendre contre les agressions ? Comment concilier la chèvre et le chou ? le lion et la gazelle ?
Une éthique est d'abord une attitude mentale de laquelle émerge une jurisprudence. On raconte qu'avant de tuer un ours, les amérindiens lui adressaient ces mots : « Excuse-nous, mais c'est toi ou nous ».
Les poulets en batterie n'ont pas droit à ces égards.
Amicalement,
Note : cet éditorial est un passage de l'un des prochains livres d'Hubert Reeves.