Hubert Reeves

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Haro sur la couche d'ozone (suite)

Émission du 3 juillet 2004

Lors d'une précédente causerie, j'ai parlé de l'ozone, une molécule composée de trois atomes d'oxygène (la molécule que nous respirons est composée de deux atomes d'oxygène) ; j'ai évoqué son importance dans le cadre des soucis environnementaux de notre période. À quelques dizaines de kilomètres au-dessus du sol se trouve une mince couche d'ozone qui nous protège des rayons ultraviolets du Soleil.

Vers 1980, des géochimistes ont prédit que la couche d'ozone allait être détériorée par des gaz issus de l'industrie humaine, en particulier des composés chlorés utilisés dans les réfrigérateurs et dans les aérosols. Ces CFC, ou chlorofluorocarbones, allaient s'élever dans l'atmosphère, rejoindre la couche d'ozone et là, photodésintégrés par les rayons du Soleil, produiraient des débris qui, à leur tour, détruiraient les molécules d'ozone. Notons que, par une malheureuse ironie du sort, les chimistes, vers les années 1960, avaient choisi de fabriquer et d'utiliser cette molécule dans les aérosols en particulier à cause de sa stabilité ! On s'assurait ainsi qu'elle ne réagirait pas avec l'air et ne polluerait pas notre atmosphère. Mais, à grande hauteur, rien ne résiste à la puissance des ultra-violets du Soleil. Et la pertinence de la prédiction de l'amincissement de la couche devait être rapidement confirmée.

L'épaisseur de la couche d'ozone de haute altitude est mesurée d'une façon routinière depuis des décennies au dessus du pôle Sud par la British Antarctic Survey. À partir de 1985, on observe à chaque printemps une décroissance régulière de cette épaisseur. Alertés, les satellites de la Nasa confirment ces mesures et montrent que la situation continue à se dégrader. La diminution printanière ne cesse de s'accroître et dépasse parfois 70 %. Ce phénomène se produit, mais à moindre échelle, tout autour de la planète.

En permettant à des quantités toujours plus grandes de rayons ultra-violets d'atteindre le sol, la diminution de la couche d'ozone peut avoir des effets très néfastes : un accroissement des cancers de la peau, et surtout une détérioration de la vie végétale, cruciale dans la chaîne alimentaire.

Des études postérieures ont bien confirmé le rôle nocifs des CFC dans cette détérioration. On en fabriquait près d'un million de tonnes par an dans les années 1970. Cette production a multiplié par six la présence du chlore issu de la dégradation des CFC dans l'atmosphère entre 1950 et 1990.

Le signal d'alarme a été tiré par la communauté scientifique et, en 1987, cent cinquante pays ont ratifié le protocole de Montréal qui, à la fois, interdit la production de CFC et encourage la recherche d'alternatives.

Cette interdiction est largement, mais pas entièrement, respectée. La plupart des pays de l'Est européen, ainsi que des pays en voie de développement (dont l'Inde et la Chine), n'ont pas encore signé le protocole. Un important trafic de CFC s'est donc mis en place depuis une dizaine d'années. Pour certains, malheureusement, la rentabilité économique à court terme demeure l'impératif premier, au détriment des équilibres écologiques essentiels de la planète.

Les effets du moratoire de Montréal – l'interdiction – restent encore incertains. Les mesures prises par la Nasa entre 1979 et 2003 montraient une diminution encourageante, aussi bien des concentrations de gaz destructeurs de l'ozone que du rythme de diminution de l'ozone.

On s'attendait pour l'été 2003 à de bonnes nouvelles. Ce fut l'inverse. Le trou fut plus grand que jamais. Il se pourrait qu'il ne s'agisse que d'une fluctuation. On espère que la stabilisation de la couche se poursuive dans les prochaines années. Mais il faudra être patient. La couche pourrait mettre plus d'un siècle à retrouver sa valeur d'antan. Si elle la retrouve … ou plutôt si les Terriens le veulent vraiment !