Hubert Reeves

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Article paru dans l'Yonne Républicaine, le lundi 28 août 2006.


ENVIRONNEMENT / Causerie annuelle d’Hubert Reeves à Malicorne

Les conseils d’un sage

L'astrophysicien Hubert Reeves a donné des nouvelles de la Terre et de l'univers lors de sa causerie annuelle samedi à Malicorne.

P

AS facile pour une petite commune comme Malicorne d'accueillir une sommité en astrophysique. Non pas qu'Hubert Reeves ait des exigences de vedette mais simplement car l'astrophysicien canadien, qui possède une résidence dans le petit village poyaudin, attire du monde. Quand le temps est menaçant, c'est encore plus compliqué : les locaux de la mairie sont trop exigus pour accueillir tout le public.

Alors, samedi matin, pour la causerie annuelle du « sage », le public s'est finalement installé dehors et le ciel, qu'il connaît si bien, a laissé à Hubert Reeves le temps nécessaire pour apporter quelques éclairages en matière d'astronomie, d'écologie et d'énergie. Des nouvelles de la planète, du système solaire et même de l'univers que l'astrophysicien a l'art de rendre limpides.

Hubert Reeves à Malicorne pour sa causerie annuelleHubert Reeves était à Malicorne samedi matin pour sa causerie annuelle. L'astrophysicien rend limpides les complexités de l'univers et a une vision très lucide des dangers que les hommes font courir à la Terre.

Le déclassement de Pluton

Évidemment, le déclassement récent de Pluton, qui est passé du statut de planète du système solaire à planète naine, ne pouvait être passé sous silence. « Qu'est-ce qui est arrivée à Pluton ? Il faut voir cela dans le contexte d'une science qui évolue. Pluton a été découverte en 1930 et les moyens techniques de l'époque n'ont rien à voir avec ceux d'aujourd'hui. Qu'est-ce qu'une planète ? Une planète doit être assez grosse pour être ronde : la gravité nivelle ce qui pourrait dépasser. Pluton n'est pas ronde et son orbite est légèrement elliptique. Et on a découvert autour de Pluton beaucoup de corps qui lui ressemblent. Tous ces éléments ont fait que l'union astronomique internationale a ôté à Pluton son statut de planète. Pluton est déchue. Ce n'est pas très grave. Il va juste falloir modifier les manuels scolaires », plaisantait l'astrophysicien.

Le déclin de l'île de Pâques

C'est une vraie planète qui inquiète Hubert Reeves, la nôtre. Pour expliquer à l'assistance les problèmes d'ordre écologique qui menacent la terre, le spécialiste, reprenant le thème développé dans le livre de Jared Diamond intitulé Effondrement, a comparé la planète à l'île de Pâques. « L'île de Pâques a une histoire emblématique et exemplaire. Elle est située à 1500 km de toute autre île. Elle est isolée dans son océan comme la terre est isolée d'autres corps célestes. Cette île, grande comme un département français, a été colonisée en 800 après Jésus Christ. Elle était extrêmement riche avec des arbres magnifiques, une faune et une flore exceptionnelles, des poissons plein les côtes. Autour de 1000 après J.C., l'île de Pâques était florissante. Les populations y prospéraient. Vers 1200 après J.-C., les populations ont décliné, la faune et la flore disparaissaient. Différentes tribus vivaient alors sur l'île et faisaient en quelque sorte un concours de la plus grosse statue de pierre, les maois, qui font la notoriété de l'île. Ces statues nécessitaient de prélever des pierres énormes. De couper les arbres afin de les transporter jusqu'au site où elles étaient installées. Bientôt, les habitants n'ont plus eu assez de bois pour construire des bateaux et pécher ».

Un scénario catastrophe qui pourrait se produire à l'échelle de la terre s'il n'y a pas une conscience d'environnement assez forte. « Il faut tirer les leçons du passé et savoir prendre des décisions ».

Isabelle MASURE

« Les bons vieux moulins à vent »

En attendant que les auditeurs s'installent, Hubert Reeves était en grande conversation avec Michel Courtois, le président de la communauté de communes de la région de Charny (CCRC). Les deux hommes ont un cheval de bataille commun : les éoliennes. La communauté de communes a lancé une étude de faisabilité d'un parc éolien sur son territoire et se heurte à une forte opposition (notre édition du 21 août). L'astrophysicien est un allié de poids et ne manque jamais une occasion de défendre ce moyen de production d'énergie.

« Nous allons vers une très grave crise énergétique. Les ressources de la terre en pétrole, charbon et gaz naturel s'amenuisent. Entre 2010 et 2020, la demande en pétrole et gaz naturel va dépasser l'offre. Comment remplacer le pétrole, le charbon et le gaz naturel qui heureusement diminuent ? Je dis heureusement car nous connaissons tous les effets secondaires importants que provoque leur utilisation : rejet de gaz carboniques, effet de serre et réchauffement de la planète. Il faut investir rapidement dans les énergies renouvelables, que l'on peut même qualifier d'inépuisables. Les bons vieux moulins à vent en font partie. Si on ne se lance pas maintenant, on ne sera pas prêts au moment où l'énergie sera devenue un problème. C'est la source d'énergie qui présente le moins d'inconvénients et que nous maîtrisons parfaitement », estimait Hubert Reeves.

D'autres moyens de production d'énergie sont évidemment à l'étude : par exemple la fusion thermonucléaire dans le cadre du projet ITER. Mais la maîtrise et surtout la rentabilité de cette nouvelle forme d'énergie risquent de demander beaucoup de temps. Et dans cette course à l'énergie, le temps joue contre nous. D'où la nécessité de miser d'abord sur les moyens de production d'énergie déjà maîtrisés.

Les opposants à l'éolien mettent en avant notamment le côté inesthétique de ces grands mâts à palmes. « Moi, je trouve ça beau. Et quand bien même, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Il faut céder quelque part. Un sigle nouveau est né : PUMA qui signifie projet utile mais ailleurs », plaisantait l'astrophysicien.

Les opposants aux éoliennes n'étaient visiblement pas présents ce samedi matin ou bien ils ont été désarmés par la facilité déconcertante avec laquelle Hubert Reeves semble faire tomber tous les arguments négatifs. Un bon sens à toute épreuve.

I. M.